Atelier d'architecture avancé
Conservation de l'environnement bâti

2010 LA «MAIN» ET LE QUARTIER DES SPECTACLES
ANGES ET DÉMONS D’UN MYTHE DANS LA REVITALISATION URBAINE

Atelier spécialisé / orientation CEB
Tuteur : Jacques Lachapelle
Auxiliaire d'enseignement : Imen Ben Jemia

Le projet du Quartier des spectacles a été initié par un désir de revitalisation du secteur entre, grosso modo, les rues City Councillors et Berri, Sherbrooke et René-Lévesque. Rappelant d’une part, la désignation de Montréal comme villes de design de l’Unesco et, d’autre part, la présence des activités de spectacles dans l’ancien Red Light de Montréal, le projet est au cœur de la dualité de l’orientation en CEB, à savoir le rapport entre nouveau et ancien.

Le secteur montre également la complexité des enjeux qui ressortent de la rencontre entre le patrimoine et du développement urbain. Depuis son origine, Montréal, comme plusieurs villes nord-américaines connaît au cours de son histoire de multiples transformations de son cadre bâti, surtout dans les quartiers centraux. Prenant pour acquis que la ville est un milieu en mutation perpétuelle, l’atelier visera à identifier les éléments significatifs du secteur et déterminer les éléments d’ancrage à l’innovation. Pour reprendre une analogie occasionnellement utilisée en parlant du patrimoine urbain : si la ville a un code génétique, quelle sont les mutations envisageables et souhaitables pour permettre aujourd’hui sa revitalisation en tant que quartier des spectacles sans entraîner la perte de son identité. Qu’est-ce qui doit être préservé? Qu’est-ce qui peut disparaître? Être modifié? Être ajouté?

Le secteur du boulevard Saint-Laurent est particulièrement intéressant en termes de patrimoine. Il s’agit d’un milieu bâti en grande partie modeste, trop souvent peu apprécié, mais qui fait partie d’un mode de propriété associé au parcellaire d’origine et à la présence des activités commerciales diverses sur rue. Autrement dit, malgré sa dégradation, il correspond à une qualité de vie urbaine au quotidien qui reste encore aujourd’hui valide. Mais le boulevard a surtout une charge symbolique très forte qui a été reconnue par le gouvernement canadien puisqu’il a désigné le boulevard Saint-Laurent «Lieu historique national». Son histoire est en effet remarquable. L’origine de son tracé remonte au Régime français. Il est un repère essentiel de la ville dans la mesure où il départage l’est de l’ouest. Ce faisant, il correspond aussi à cette vision encore aujourd’hui prégnante dans la mémoire collective du Montréal divisé en deux solitudes. Or, du point de vue social, il est aussi un lieu d’accueil des immigrants, dont différentes communautés ont marqué son histoire. Ainsi, tout au long de son parcours, prend-il différentes identités sociales malgré les similitudes de son cadre bâti. Enfin, le boulevard Saint-Laurent, la «Main», est étroitement lié à l’imaginaire symbolique de l’ancien Red Light, à savoir un quartier dédié aux débits d’alcool, aux spectacles, aux cabarets, à l’industrie du sexe, à la prostitution, à la criminalité et à la marginalité. Il a, en ce sens, surtout près du croisement avec la rue Sainte-Catherine, un fort potentiel d’évocation. Un auteur comme Michel Tremblay y a puisé une part importante de son univers théâtral et romanesque.

Connue de tous, la réputation de la «Main» lui a également valu l’opprobre d’une part de la population et surtout des élites cléricales et politiques. Les récentes consultations publiques sur le projet du Quadrilatère Saint-Laurent ont montré que ce mythe (au sens de source d’une imaginaire collectif qui dépasse la réalité concrète) est encore présent et que l’«assainissement» au sens moral est encore invoqué et influence la portée du projet architectural. Cette mémoire du lieu fait donc partie de la réflexion à faire

Cela dit, le Quartier des spectacles est un projet de revitalisation. Il vient s’ancrer dans ce patrimoine matériel et immatériel associé à l’ancien Red Light comme quartier de spectacles. Ce quartier que l’on ne voulait pas voir redevient ainsi celui qui donne à voir!

À ce jour, les priorités ont été accordées aux besoins des grands promoteurs de l’industrie du spectacle et des festivals, favorisant les interventions à grande échelle. Une large part du cadre bâti du boulevard Saint-Laurent, comme celui de la rue Sainte-Catherine consiste plutôt à un cadre bâti associé à un parcellaire ancien et consistant en des bâtiments de plus petits gabarits. Cette échelle est celle qui se rapproche des objectifs de convivialité annoncée dans le projet du Quartier des spectacles mais plusieurs questions demeurent et seront au centre de l’atelier, dont celle-ci : Comment peut-on densifier le quartier tout en conciliant les différentes échelles ainsi que les aspirations présentes avec la mémoire du passé?