Le succès de l’atelier est assuré par la contribution de plusieurs invités qui ont participé à l’atelier à titre de conférenciers lors de séminaires ou de critiques lors des présentations des étudiants ou par le partage d’informations qui ont été très précieuses pour les étudiants. Nous remercions chaleureusement chacun d’eux à savoir :
L’atelier proposé porte sur le site de la Canada Malting, une malterie située au bord du canal Lachine (5020, 5022 et 5070, rue Saint-Ambroise, arrondissement Le Sud-Ouest). La propriété inclut également des bâtiments d’une industrie chimique, l’ancienne Brenntag.
Ce site fait partie du grand secteur de la friche industrielle du canal Lachine, secteur qui a constitué à la fin du XIXe siècle la plus grande concentration d’industries au Canada. Avec la proximité du canal et la présence des voies ferrées, il comprend non seulement des bâtiments industriels remarquables mais il renvoie à de grandes infrastructures de transport étroitement liées à la révolution industrielle.
Les bâtiments de la Canada Malting incluent des silos, dont le seul exemple au Québec de silos construits en blocs de terre cuite. Les silos frappent l’imaginaire mais compte tenu de leur usage d’origine et de la difficulté de les recycler, ils constituent un défi de transformation. Ce site industriel soulève en somme, un ensemble d’enjeux.
Dans l’actuel processus de révision du plan d’urbanisme de Montréal et du schéma d’aménagement de l’agglomération de l’île, l’un des constats est à l’effet qu’il reste très peu de terrains à développer. Le développement de la ville doit donc se faire par différentes interventions de densification mais surtout des plans de revitalisation de secteurs existants voire de redéfinition quasi complète comme c’est le cas pour le site de la Canada Malting. À la lumière de ce constat, il faut donc déduire que, pour développer, il faut construire la ville sur la ville.
De ce fait, la pratique de l’architecture sur de l’existant devient en quelque sorte une pratique inévitable et courante. Fabriquer et re-fabriquer la ville supposent de prendre assise sur une compréhension du milieu de vie environnement, de la forme urbaine et de la structure du domaine public afin qu’une intervention sur le site de la Canada Malting assure un maillage réussi et contribue à la renaissance d’un secteur urbain.
Cela dit, s’il existe peu de terrains à construire, les friches industrielles désaffectées constituent l’un des potentiels de développement les plus importants. Toutefois, dans une perspective patrimoniale, ils ne se limitent pas à une question de superficies disponibles. Il faut plutôt voir le canal Lachine comme un lieu privilégié de commémoration d’un passé industriel qui a fait la notoriété de Montréal.
À cet égard, tout le secteur du canal Lachine est en cours de transformation depuis des décennies. En soi, la réhabilitation d’édifices industriels constitue une approche de transmission de ce passé. À ce jour, la plupart des opérations de recyclage ont eu lieu dans des édifices sains qui offraient l’avantage d’avoir des grandes superficies de planchers libres des industries. Il en reste de moins en moins. Pour ce qui est des nouvelles constructions, le secteur a donné lieu à de deux positions opposées mais toutes deux questionnables : d’une part la conception d’édifices ressemblant à d’anciennes industries; d’autre part des édifices blocs ou de tours qui font en grand partie abstraction de l’imaginaire du lieu. C’est le cas par de la construction de tours dans le secteur Griffintown. Cette approche qui amenait une densité très élevée et une multiplication de condominiums sans services a soulevé de nombreuses critiques quant à leur insensibilité au passé du site et aux habitants du secteur.
Il faut dire que les anciennes friches industrielles constituent ce qui apparait souvent comme des fractures dans le tissu urbain des quartiers habitées. C’est environnement urbain très différent à l’intérieur de la ville habitée car il obéit à une logique de productivité. Les grandes infrastructures que sont le canal Lachine ou les voies ferrées répondent à des impératifs de transport qui déborde du territoire de la ville. Les bâtiments quant à eux répondent à des impératifs d’organisation du travail, de mécanisation des opérations de production ou de transport. Somme toute, intervenir dans un site industriel dans une perspective de mémoire collective revient à l’enjeu de transformer des lieux pensés pour les machines en lieux habités par les humains.
L’intervention sur un site comme celui de la Canada Malting mènera à se demander comment les anciennes infrastructures liées au transport des marchandises (canal, voie ferrées, quais, espace extérieur de dégagement pour les opérations industrielles et l’entreposage) peuvent-elles être mises en réseau avec l’espace public de la ville que sont les rues, les places et les parcs. Pour assurer ce maillage et cette intégration à la fois dans le tissu urbain et dans le tissu social, la planification du site de la Canada Malting nécessitera une réflexion sur les espaces extérieurs comme espaces publics et espaces semi-publics. Cela dit, il est possible de penser que dans l’opposition entre propriété privée et domaine public, cette réflexion ne se limite pas aux espaces au sol, mais aux espaces de terrasses et de toit des bâtiments.
À l’échelle de son architecture, la réflexion dépassera la seule conservation ou non des bâtiments comme entités construites. Il faudra aussi questionner comment les relations spatiales d’origine qui ont été pensées en termes d’étapes d’opérations pour le transport et la transformation de marchandises peuvent aujourd’hui guider la mise en forme du nouveau programme qui comprendra de l’habitation mais également des activités qu’un milieu de vie contemporain devrait avoir.
Cela dit, le mauvais état de conservation des bâtiments de la Canada Malting fait partie des enjeux. Les étudiants pourront compter à cet égard sur la contribution d’une étude professionnelle. Un rapport sur l’état des bâtiments commandé par la Ville aidera les étudiants à aborder cet aspect du projet. Des pourparlers sont en cours pour qu’un architecte vienne présenter le diagnostic qu’il a fait des bâtiments. Par ailleurs, il va de soi que les silos sont des éléments remarquables de ce site mais demeurent des défis majeurs en terme de reconversion.
Le milieu du patrimoine a intégré depuis longtemps des considérations liés à l’acceptabilité sociale et l’apport de la communauté. En ce sens l’approche patrimoniale trouve son complément dans des pratiques de l’aménagement qui intègrent de plus en plus la contribution de la communauté non seulement dans la conservation des lieux mais dans leur transformation. Le site de la Canada Malting a fait l’objet d’un important processus de consultation qui contribuera à enrichir la réflexion qui se fera en atelier.
Dans tous les cas, la programmation du site devrait permettre d’aborder des enjeux de mixité sociale (âge, type de famille, revenus) et de mixité fonctionnelle (résidence, usage collectifs, travail).
