Atelier d'architecture avancé
Conservation de l'environnement bâti

2016: LA GARE-HÔTEL VIGER
Le patrimoine ferroviaire

Atelier spécialisé / orientation CEB
Tuteurs : Jacques Lachapelle et Richard De La Riva

Le sujet proposé pour l’atelier est le site et l’ancienne gare-hôtel Viger qui se trouve sur la rue Saint-Antoine au coin de Berri.

Le site de la gare Viger a deux reconnaissances principales :
- Site patrimonial du Vieux-Montréal de puis l’agrandissement de l’arrondissement historique du Vieux-Montréal
en 1995 créé en 1964. L’appellation actuelle de site patrimonial suit la nomenclature de la Loi sur le patrimoine culturel de 2012
- Secteur de valeur patrimoniale exceptionnelle du Square Viger – Immeuble à valeur patrimoniale
exceptionnelle (Ville de Montréal).

L’approche du projet en dialogue dans un contexte patrimonial

L’intervention sur un site patrimonial suppose une approche de conception qui réussit à concilier des objectifs de conservation et de développement qui sont, tout au moins en apparence, opposés.

Plus fondamentalement, la conservation repose sur une réflexion théorique qui tend aujourd’hui à reconnaître l’importance de la reconnaissance de la société. Elle rejoint en cela un phénomène de plus en plus répandu de la démocratie participative qui, dans le milieu de l’aménagement, est reflété à Montréal par l’importance des consultations publiques, parfois même en amont des projets. Bien que certains puissent avoir la nostalgie d’une modernité où l’architecte avait le pouvoir de décider le monde, le rôle et l’éthique des professionnels de l’aménagement changent. Le projet doit viser la pertinence urbaine pour socialement acceptable.

Pour ce faire, le patrimoine a développé un cadre théorique qui, d’une part, a mis en lumière l’intérêt de préserver des éléments du milieu bâti existant et qui, d’autre part, a permis d’asseoir les bonnes pratiques du projet.

Depuis quelques années, tant au niveau international que national, le patrimoine est abordé sous l’angle des valeurs qui peuvent être associées à un bien. Cette approche tient compte des développements dans les sciences humaines selon lesquels la réalité est représentée à travers des constructions sociales individuelles ou collectives. Il n’y a donc pas d’absolu mais des valeurs relatives que l’on ne peut analyser que suivant une démarche qualitative pour les connaître, les comprendre et, dans une volonté d’agir, déterminer celles qui méritent d’être retenues parce que plus pertinentes et consensuelles. Par le fait même, cette approche implique que le patrimoine n’a de la valeur que si la population lui en accorde. Elle reconnait aussi qu’un projet de conservation est éminemment politique, au sens le plus noble du terme. Le patrimoine, parfois présenté comme une contrainte qui limite le travail de conception, doit plutôt être vu comme une ouverture sur un espace de création responsable des architectes.

Les nombreux acteurs qui pensent la ville en termes dans la perspective de son développement doivent aujourd’hui avoir également conscience de cette importance du milieu pour le public et de la politisation de l’urbanisation. La notion de valeurs ne conduit pas qu’à réfléchir sur le passé mais elle peut servir d’appui à une réflexion sur le rapport identitaire avec le présent. Autrement dit, élargie dans une perspective plus vaste, elle va bien au-delà du «qui nous avons été» mais prend acte du «qui nous sommes aujourd’hui».

Ce faisant, la conservation de biens immobiliers légués par l’histoire s’inscrit nécessairement dans une réflexion sur le concept de durabilité, non seulement au sens énergétique, mais au sens d’une écologie sociale qui s’adapte au changement et prépare le futur.

La Ville de Montréal a adopté cette approche des valeurs. Le document, qui sera fourni en atelier, intitulé «L’évaluation de l’intérêt patrimonial d’un lieu : guide d’application du processus menant à la formulation d’un énoncé d’intérêt patrimonial – notions, principes et boîte à outil» explique la méthode d’analyse; les valeurs qui peuvent être associées à un lieu patrimonial; les recommandations à l’égard du projet à réaliser, etc.

Le site choisi : Gare et hôtel Viger

Servant à la fois de gare et d’hôtel à l’origine, la gare Viger a été réalisée en 1897 par l’architecte new-yorkais Bruce Price.

Un paysage ferroviaire fantomatique mais fondateur

La construction de la gare est liée dans un premier temps à des enjeux commerciaux et industriels. En effet, le port devant le Vieux-Montréal était accessible à la compagnie de chemin de fer du Grand Tronc, compétiteur du Grand Tronc. Le Canadien Pacifique a dû construire une grand voie d’accès contournant Montréal au nord (par exemple, c’est dans une des cours de triage du CPM que le futur site de l’Université de Montréal sera construit près d’Outremont) pour accéder au secteur est du port, où se trouvait la gare Dalhousie et le premier grand élévateur à grain construit par le CP.

Dans la foulée de cette réalité, le faubourg Québec, situé à l’est du Vieux-Montréal subit des transformations majeures. Les anciennes maisons sont détruites, les rues éliminées pour un bon nombre, l’accès au fleuve devient réservé aux activités industrielles. Enfin, la nécessité d’avoir une cour de triage et des accès aux quais de la gare, a mené à modifier de façon majeure la topographie, puisqu’il a fallu éliminer le monticule caractéristique du Vieux-Montréal. Cette réalité se voit encore aujourd’hui par le changement abrupt de topographie du Vieux-Montréal à l’est de la rue Berri et par la voie surélevée de la rue Notre-Dame qui surplombe le secteur. Par ailleurs, le faubourg Québec, en tant que friche urbaine a donné lieu à un vaste projet de reconfiguration d’une trame urbaine en continuité avec le reste de la ville. La topographie effacée, la rareté des vestiges et la volonté de reconfigurer la ville habitée dans cette ancienne friche industrielle reste une des enjeux du caractère actuel du site.

Un projet politique et métropolitain dans un secteur en transformation

Le Canadien Pacifique avait créé dans l’ouest de la ville de la gare Windsor qui lui servait également de siège social. Avec la gare Bonaventure qui avait été construire un peu plus au sud, la gare Windsor a largement contribué au développement du nouveau centre-ville de Montréal qui ne se confinait plus dans le Vieux-Montréal.

Voyant ce succès, des conseillers municipaux francophones, notamment Préfontaine qui deviendra maire de Montréal, souhaite que la compagnie crée un grande gare et un grand hôtel qui contribueraient à dynamiser le secteur d’affaires dans l’est de la ville. Pour les voyageurs, la gare Viger desservait des lignes permettant de se rendre au nord de la province et à la ville de Québec. La gare hôtel devaient donc consolider ce quartier à majorité francophone qui s’était développé par différentes initiatives telles que la création du square Viger, de la cathédrale au coin des rues Saint-Denis et Sainte-Catherine et une activité commerciale sur Sainte-Catherine. Toutefois, en comparaison de ce qui se passait dans l’ouest, le développement économique dans ce secteur de la ville bien timide.

L’histoire montre qu’un projet isolé ne peut contrecarrer à lui seul des forces économiques et d’urbanisation défavorables. En effet la gare et hôtel Viger mettent fin à leurs activités en 1935. Cette fermeture s’inscrit dans la foulée de difficultés récurrentes qui ont limité le développement du secteur malgré les différentes efforts des administrations et institutions publiques pour le soutenir, tels que l’implantation des Hautes Études Commerciales, de l’École Polytechnique et de l’Université de Montréal qui ont valu au secteur son nom de Quartier latin à cause de la présence étudiante. Toutes ces institutions vont toutefois se déplacer vers la montagne à partir des années 1920. Depuis les années 1970, l’UQÀM fait renaître un quartier académique. Aujourd’hui, le secteur est assurément en changement avec la construction du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) et de son centre de recherche. Cette transformation du secteur conduit nécessairement à des enjeux liés à la qualité du milieu urbain existant et à son devenir comme en témoigne le récent débat du réaménagement du Square Viger.

Une architecture négligée aujourd’hui à valoriser

Le Canadien Pacifique a créé une des trois lignes transcanadiennes dans la foulée du vaste projet politique de la confédération canadienne qui obligeait à l’obligation de relier les provinces d’un océan à l’autre. Cette puissante compagnie ferroviaire, comme ses rivales avaient développé un modèle d’affaires qui en complément des activités plus industrielles, liées au transport de marchandises, incluait la création d’hôtels comme nouvelle source de revenus mais également comme expression du luxe qui servait bien leur souci de de son pouvoir et de son prestige, tout en les associant à un imaginaire identitaire pan canadien.

Pour ses premiers grands projets, le CP fait appel à l’architecte new-yorkais Bruce Price qui a conçu pour un groupe d’affaires liés au CP le Château Frontenac à Québec, et pour le CP, un grand hôtel à Banff et la gare Windsor.

Dans la gare-hôtel Viger, il reprend l’esthétique du Château Frontenac. Il reprend d’une part le style château, plus spécifiquement les châteaux de la Loire, qui référait aux origines française de la ville. Mais surtout, Price défendait le caractère pittoresque de l’hôtel implanté au sommet du cap Diamant. Outre la silhouette, le projet se démarquait par sa composition très organique des différentes ailes À Montréal, Price a toutefois adapté davantage ordonné la volumétrie en accord avec la trame urbain régulière de la ville et la position de la gare-hôtel face au square Viger.

À l’opposé, à l’arrière, les marquises qui recouvraient les quais, avec un accès aérien depuis la rue Notre-Dame nous amène dans une réalité urbaine tout autre, les grands espaces d’infrastructure, dans ce cas-ci consacré au train et aux édifices portuaires utilitaires. Le site de la gare renvoie donc à deux univers urbains distincts : celui des quartiers habités qu’il faut embellir et celui des machines et des réalités technologiques du monde industriel. Le premier se poursuit, le second est aujourd’hui presque éradiqué.

Autre particularité de l’édifice, la gare Viger est un des rares exemples dans lesquels l’activité hôtelière est incluse. En général, les compagnies de chemins de fer ont plutôt choisi de construire l’hôtel sur un site distinct de celui de la gare. On peut supposer que la proximité des quais de trains est opposée au confort et au luxe souhaités. Cela dit, le bâtiment s’est après quelques années révélé trop petit puisque l’on a construit un agrandissement le long de Berri qui a servi de gare. Au même moment on a d’ailleurs procédé à un réaménagement des quais en les faisant buter perpendiculairement à la gare au lieu d’être tracés en diagonale comme c’était le cas à l’origine.

L’intérieur de l’édifice Viger a été entièrement rénové lorsque l’édifice a été propriété de la Ville de Montréal. L’intérieur a lors entièrement disparu, notamment son entrée sur plan circulaire – ce qui correspond à la forme de la tour centrale du bâtiment.

Programmation

Le programme prend assise sur celui qui a été élaboré en 2009, incluant hôtel, marché public et commerces, bureaux, etc. Il pourra être actualisé suite à l’analyse du site.

Enjeux

Ce résumé des intérêts architecturaux, urbains et historiques permet d’identifier un certain nombre d’enjeux du projet :
- La présence dans un secteur de la ville en redéveloppement
- La valorisation des grandes figures urbaines en cours de transformation : la rue Notre-Dame, le square Viger, l’est du Vieux-Montréal et le faubourg Québec.
- La présence fantomatique du passé industriel et ferroviaire
- L’imaginaire que suscite la gare, les chemins de fer et celui des voyages
- La modification drastique de la topographie.
- La résonnance contemporaine de l’imaginaire pittoresque souhaitée par l’architecte Bruce Price.